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Monday, September 19, 2011

15 hommes by Serge Gontcho

On cherche quinze hommes

by Serge Gontcho on Wednesday, July 22, 2009 at 12:51pm
On connaissait Diogène, le Grec, circulant avec sa lampe en plein midi dans les rues, et qui répondait à ceux qui le questionnaient sur le sens de cette promenade insolite : "je cherche un homme". Le philosophe antique voulait, par ce symbolisme, attirer l'attention de ses concitoyens sur la difficulté de trouver un Homme avec grand H, un homme qui soit un peu plus que ce que nous sommes. Si d'aucuns l'ont traité de fou, comme c'est généralement le lot des philosophes et des visionnaires, l'histoire lui a rendu témoignage.
Joseph Kabila vient-il de lire Diogène ? Il n'est pas interdit de le penser. Il y a quelques mois, il déclarait sur les médias américains qu'il cherchait quinze Hommes. Une façon de dire à ses disciples : mille de vous n'ont pas ma confiance. Les Kinois en ont fait des gorges chaudes. Ah ! Le Président de la République démocratique du Congo n'a pas quinze hommes ? Mais comment gouverne-t-il ? Mais c'est quoi que cette noria de conseillers et de courtisans autour de lui ? Il paraît qu'il n'en avait encore que trois ou quatre, sur les doigts d'une seule main. L'Opposition aussi a ironisé. Je me souviens de François Mwamba Tshishimbi qui a tapé du poing sur la poitrine du MLC : Nous, nous avons quinze fois quinze personnes.
Permettez, messieurs les rieurs ! Autant, les sages n'ont pas ri de Diogène, autant il est fou de rire de cette déclaration de Joseph Kabila. Dis-moi de quoi tu ris, je te dirais qui tu es. Rire de tout n'est pas signe de grande intelligence, et peut même être signe de légèreté intellectuelle. Posons-nous sincèrement la question : Y a-t-il quinze hommes pour le Congo ? Qui peut nous les citer ? Y a-t-il quinze hommes dans l'Opposition ? Qu'ils se présentent et nous expliquent où en est l'Opposition. Y a-t-il quinze hommes dans les églises ? Qu'ils nous disent pourquoi Benny Hinn, venu de la lointaine Amérique, a supplié à genoux les pasteurs congolais de remettre la croix de Jésus au milieu de l'Eglise. Y a-t-il quinze hommes parmi les intellectuels qui puissent nous expliquer pourquoi il n'y a que le français qui étincelle dans leur bouche, alors qu'ils brillent par leurs échecs dès qu'ils mettent la main à la pâte. Les plus malins d'entre eux ont d'ailleurs pris la précaution de s'autoproclamer "penseurs et lumière", laissant aux autres le soin de mettre en œuvre les idées dont ils accouchent. Comme ça, en cas d'échec, la faute ce sera toujours aux autres, ceux qui auront mis les mains dans le cambouis. Je pense que chaque Congolais devait s'approprier ces paroles, cet aveu courageux et sincère d'impuissance : je cherche quinze hommes. C'est ce que je fais, pour ma part, et je vais vous dire comment et pourquoi, dans cet article.
Les lecteurs fidèles du Potentiel se souviendront que j'ai été pendant un moment parmi les chroniqueurs politiques les plus réguliers de leur journal. Refusant les étiquettes traditionnelles de "pouvoir" ou "opposition", je dirigeai ma plume assassine tantôt contre un camp, tantôt contre un autre, tantôt pour un camp, tantôt pour un autre. Chronique mais aussi activiste politique, je prônais, avec d'autres amis, non pas une libération par rapport au régime actuel, mais une émancipation vis-à-vis du système qui enveloppait sous le même manteau les soi-disant adversaires politiques d'aujourd'hui, tous cependant enfants de la rébellion armée ou héritiers du mobutisme décadent. N'ayant pas réussi à réaliser nos objectifs, je me suis accordé un repos sabbatique et journalistique, pour réfléchir sur les causes de cette absence de résultat, pour ne pas dire de cet échec. J'en sors aujourd'hui avec cette phrase en guise de résolution : Je cherche quinze hommes. Mais quel homme ? Quel est cet homme que Diogène cherchait ? Quels sont ces hommes que le Congo cherche ?
HOMME D'ACTIONS ET DE CONSTANCE
Voici une citation de l'Archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, au lendemain de sa prise de fonction dans la capitale, lors d'une clôture de la semaine des intellectuels catholiques à Sainte Anne en 2008, alors qu'il les exhortait à assumer leurs responsabilités citoyennes et politiques en tant que porteurs de la lumière de Christ : "Au Congo, j'ai vu beaucoup d'enthousiastes, mais peu d'hommes d'action et de constance". Assurément, lui aussi, comme Joseph Kabila, doit être encore à la recherche de ses quinze hommes.
Reconnaissons que nous autres, Congolais, manquons de persévérance. Ce qui est problème ici, c'est notre mentalité plus qu'autre chose. Combien d'entre nous disent oui et applaudissent à se briser les doigts à la fin des conférences, des prêches, des meetings politiques, promettent de faire ceci et cela pour la cause commune, et puis se perdent le lendemain dans toutes sortes d'excuses et d'explications pour ne pas faire ce qu'ils ont promis de faire : la pluie, le vent, la faim, le transport difficile, le lion, les moustiques. Bizarrement, ces mêmes excuses ne fonctionnent plus dès qu'il est question de suivre à la télévision la finale de la Ligue des Champions en Europe, où quand il faut assister en direct à la victoire de Barak Obama à 3 heures du matin. La bonne foi n'est pas en cause, tout simplement, le Congolais, à la différence des autres, n'a pas la mentalité de vainqueur ou de faiseur, mais celle plutôt du jouisseur, prêt à tout vendre pour aller profiter en Europe ou en Afrique du sud du travail des autres peuples. Le vainqueur et faiseur sait garder ses pensées focalisées sur un objectif, et lui accorder chaque jour un temps de réflexion, un temps d'action, construisant ainsi petit à petit la termitière avec la patience de la fourmi. Le Congolais est dispersé. Il n'a pas la notion de la patience.
Je citerai aussi André Pike : Il ne faut pas s'imaginer que le génie personnel suffit pour réussir les objectifs les plus ambitieux ni qu'il remplace avantageusement le travail. Le génie individuel étant aussi rare que la manne divine qui doit se mériter, il faudrait attendre longtemps pour qu'il se révèle en chacun de nous et rien ne se ferait. L'accumulation permanente de nombreux petits efforts produit un meilleur résultat qu'un exploit gigantesque. C'est la somme des efforts individuels tendant vers un même but qui permet la réalisation de ces grandes œuvres qui s'inscrivent durablement, à la face du monde et dans l'histoire de l'humanité, et sont la marque du génie humain.
Une fois pour toutes, nous devons prendre conscience et nous arracher du joug de cet esprit jouisseur qui se cache en nous et qui nous fait nager à contrecourant des lois de la nature. Il faut travailler, travailler intelligemment, pour gagner son pain, pour gagner sa paix. Le Congo cherche quinze hommes prêts à s'engager sur le chemin de cette transformation de soi-même, au service de la nation, quinze hommes capables de dire oui et de faire oui une semaine après, un mois après, une année après, dix ans après.
A BAS LES FONDATEURS !
La deuxième idée force que je ramène de ma retraite est qu'il faut "tuer" tous les fondateurs de tous les partis politiques, ou alors les neutraliser d'une manière ou d'une autre.
En effet, trouver le Quinze de Kabila, ou celui de Pasinya, ou tout autre Quinze, est une condition nécessaire mais pas suffisante pour faire évoluer les choses ; Il faudrait encore trouver une structure qui leur permette de s'exprimer. Pour dire vrai, je crois que les quinze sont là, partout, mais nos institutions sont elles-mêmes démotivantes, qu'il s'agisse des partis politiques ou des églises. Un même démon agite toutes les institutions congolaises : le démon du fondateur ou du patron propriétaire. Chaque parti congolais a à sa tête un président ou un collège de fondateurs qui crucifient chaque jour la démocratie et inhibent enthousiasme et créativité. Quand bien même tous les statuts affirment que le congrès est l'organe suprême du parti, les mêmes textes s'arrangent tous pour arroger, ailleurs, au collège des fondateurs un droit de véto sur les décisions du congrès. Ceci n'est ni plus ni moins que de la tricherie. Comment un groupe de dix ou quinze personnes peut-il se proclamer "gardien de la vision du parti" tout simplement parce qu'ils étaient les premiers à se réunir autour d'un verre de bière ? Quel intellectuel peut défendre cette cause ? Quel professeur d'université président de parti politique osera encore regarder ses étudiants dans les yeux quand il défend une telle thèse ?
Les Congolais de bonne foi, ayant compris que les partis politiques congolais sont tous des propriétés privées des fondateurs, restent tranquillement chez eux, assis sur leurs compétences, parce qu'ils refusent de servir de marchepieds aux ambitions d'une bande de copains organisés en collège de fondateurs. Dans les grandes démocraties, la notion de collège des fondateurs n'existe pas. Dans les statuts de l'UMP, du PS et du MODEM en France, par exemple, il n'y a pas une catégorie de membres dénommée "membres fondateurs". Ce sont des inventions des Congolais pour contrôler le parti et les militants. Malheureusement, cela se retourne toujours contre eux. La grande querelle à l'UDPS n'a pas d'autre cause que cette gangrène. La crise au RCD qui veut éjecter Ruberwa n'est rien d'autre que cela. Le PPRD n'est pas en reste, Vital Kamerhe en sait quelque chose. Et au final, c'est le peuple qui a mal à la démocratie.
C'est pourquoi, nous exhortons aujourd'hui tous les Congolais qui sont dans les partis politiques sprl, à les quitter, au nom de la démocratie, ou à exiger la révision de ces dispositions antidémocratiques qui font d'eux les faire-valoir des fondateurs et de leurs familles. Mais comme nous savons que ces derniers ne se laisseront pas ôter de bon cœur le pain de la bouche, nous encourageons tous les Congolais à se rassembler pour fonder un nouveau parti politique où il y'aurait au moins mille fondateurs et où il n'y aurait pas de privilèges spéciaux pour ceux-ci. Chacun de ces fondateurs viendra avec 10 $, comme contribution à la création de ce parti qui sera offert aux gens de bonne volonté comme tribune pour leur expression démocratique. Il ne s'agit pas d'un rêve, mais bien d'un projet concret, par lequel le peuple congolais peut demain prendre le contrôle des entités locales, pendant que les élus d'hier sont encore empêtrés dans leurs promesses non tenues. Le Congo cherche quinze hommes.

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